La Cause en bref
La cause en bref est un court résumé en langage simple d’une décision rendue par écrit par la Cour. Ces résumés sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

John Howard Society of Saskatchewan c. Saskatchewan (Procureur général)
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 14 mars 2025
- Citation neutre : 2025 CSC 6
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Décompte de la décision :
- Majorité : le juge en chef Wagner a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Karakatsanis, Martin, Kasirer, O’Bonsawin et Moreau)
- Motifs dissidents : les juges Côté, Rowe et Jamal auraient rejeté l’appel
- En appel de la Cour d’appel de la Saskatchewan
- Renseignement sur le dossier (40608)
- Diffusion Web de l'audience (40608)
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Décisions des tribunaux inférieurs :
- Première instance (Cour du banc de la Reine de la Saskatchewan) (en anglais seulement)
- Appel (Cour d’appel de la Saskatchewan) (en anglais seulement)
Sommaire de la Cause
La Cour suprême conclut que la norme de preuve fondée sur la culpabilité hors de tout doute raisonnable s’applique aux procédures disciplinaires visant des détenus.
Les détenus qui sont accusés d’infractions disciplinaires dans les établissements correctionnels provinciaux de la Saskatchewan doivent comparaître devant un comité disciplinaire pour répondre de ces accusations. Conformément à l’article 68 du règlement de la Saskatchewan intitulé Correctional Services Regulations, 2013 (« Règlement »), la norme de preuve applicable dans le cadre de telles procédures est la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit être plus probable que le détenu a commis l’infraction que le contraire. Cette norme de preuve est appliquée dans toutes les procédures disciplinaires, y compris celles portant sur des infractions graves qui peuvent entraîner des sanctions comme l’isolement disciplinaire d’une durée maximale de 10 jours ou la perte d’une réduction de peine méritée pouvant aller jusqu’à 15 jours.
La société John Howard de la Saskatchewan a contesté le Règlement, affirmant que la présomption d’innocence exige que la norme de preuve applicable dans les procédures disciplinaires visant les détenus soit la preuve de la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Devant les tribunaux inférieurs, la société John Howard a basé son argument uniquement sur l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, disposition qui garantit à tout individu le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et précise que l’État ne peut porter atteinte à ce droit, à moins de le faire en conformité avec les principes de justice fondamentale. La société John Howard ne pouvait invoquer l’alinéa 11d) de la Charte, qui prévoit que tout individu accusé d’une infraction a le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, en raison de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3. Dans cette affaire, la Cour a jugé que les procédures disciplinaires visant les détenus dans lesquelles ceux-ci risquent de se voir imposer l’isolement disciplinaire ou la perte de réduction de peine méritée ne font pas intervenir l’article 11 de la Charte.
Le juge de première instance a statué que l’article 68 du Règlement ne viole pas l’article 7 de la Charte, concluant que ni la nature des procédures disciplinaires visant les détenus ni la gravité des sanctions que sont l’isolement disciplinaire et la perte de réduction de peine méritée ne justifiaient l’application de la norme de preuve plus exigeante de la culpabilité hors de tout doute raisonnable. La Cour d’appel a dit être du même avis.
La société John Howard a interjeté appel à la Cour suprême du Canada sur la question concernant l’article 7. Elle a aussi soulevé une nouvelle question constitutionnelle, soit celle de savoir si l’article 68 du Règlement porte atteinte à l’alinéa 11d) de la Charte.
La Cour suprême a accueilli l’appel.
La présomption d’innocence s’applique aux procédures disciplinaires visant les détenus.
Rédigeant les motifs des juges majoritaires de la Cour, le juge en chef a conclu que l’article 68 du Règlement porte atteinte à l’article 7 et à l’alinéa 11d) de la Charte, puisqu’il permet l’infliction d’une peine d’emprisonnement lorsqu’il peut exister un doute raisonnable relativement à la culpabilité de l’accusé. La conclusion qui a été tirée dans l’arrêt Shubley, à savoir que l’isolement disciplinaire et la perte d’une réduction de peine méritée ne font pas intervenir l’article 11 parce que ces sanctions n’équivalent pas à un emprisonnement, a perdu de la force en raison de l’orientation constante de la Cour selon laquelle les juges doivent interpréter la Charte de manière libérale plutôt que formaliste, afin de donner effet à l’objet du droit en question. Les violations de l’article 7 et de l’alinéa 11d) ne peuvent être justifiées en vertu de l’article premier de la Charte, car elles ne constituent pas une atteinte minimale aux droits garantis aux détenus par la Charte. Dans la mesure où l’article 68 du Règlement permet d’infliger à un détenu l’isolement disciplinaire et la perte d’une réduction de peine méritée en appliquant une norme de preuve moins exigeante, cet article est incompatible avec la Constitution et doit donc être déclaré inopérant.